Réflexions au sujet de la conservation et de la valorisation des ruines des châteaux forts d'Alsace

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INTRODUCTION:
le dilemme des ruines

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      (N.B.: Les articles apparaissent de manière désordonnée, sous la forme de questionnements, d'ébauches, de premiers jets, et seront progressivement retravaillés, mis en forme et réécris au fur et à mesure de l'avancement de la page. La présentation peut de ce fait apparaître assez chaotique et désordonée. Merci de votre compréhension et de votre patience...)

L'arbre qui cache la forêt (de pierre)

  Les ruines et la végétation: Voilà peut-être un problème "épineux" entre tous...
Tout d'abord du stricte point de vue de la préservation de l'intégrité physique de la ruine:
la végétation peut-elle servir de "liant", d'enveloppe protectrice pour la maçonnerie (lierre), ou est-ce qu'au contraire la pénétration des raçines de plantes dans et entre les pierres est la plus sûre garantie de leur dégradation et de leur désolidarisation ? Il semble bien que la deuxième hypothèse soit la plus vraisemblable...

Je peux à ce sujet parler de mon expérience propre: fervent de la végétation au début du fait d'une vision je l'admet quelque peu "romantique" des ruines, j'ai peu à peu fait mienne l'idée que l'intégrité physique d'un édifice et sa "lisibilité" primaient sur le charme bucolique et la majesté poétique du "dialogue" qu'il engageait avec les arbres et la verdure alentour.
Problème cornélien plus que tout autre, dont les points de vue les plus antagonistes semblent tous défendables, et dont la voie médiane est des plus difficiles à trouver...
(Septembre-octobre 2003)




"Un château peut en cacher un autre":

  La définition d'un ou plusieurs châteaux en un lieu géographique donné procède inévitablement d'une forme de "découpage du réel" en deux entités distinctes qui sont "château" et le "non-château".
Ce découpage peut dans certains cas s'avérer plus ou moins arbitraire, Ainsi on peut parler du ou des château(x) de Haut-Eguisheim mais aussi individuellement des châteaux de Dagsbourg, Wahlenbourg et Weckmund qui occupent le site.
  Dans le même ordre d'idée, le château du Dreistein est comme son nom l'indique un ensemble de trois châteaux occupants le même site: deux édifices sont assez clairement distincts, mais il est beaucoup plus subtil de distinguer dans la construction de l'édifice occidental deux châteaux habitables distincts, alors qu'ils sont attenants l'un à l'autre.
Ces deux exemples ont d'ailleurs en commun d'avoir vu apparaître successivement un, puis deux, puis trois châteaux.

  Le problème est (dans une moindre mesure) de même nature pour les châteaux de Wasigenstein, qu'on pourrait croire de prime abord n'être qu'une entité unique sur le même éperon rocheux.
De même Certains châteaux sont nommément "groupés" comme quand on parle des châteaux d'Ottrott, ou des châteaux de Ribeauvillé.
L'histoire et les destins des certains châteaux est parfois sont parfois étroitement liés, comme pour l'Ortenberg et le Ramstein.
  Est-il dès lors plus indiqué de considérer des ensembles de châteaux, reliés non seulement par une proximité géographique plus ou moins manifeste ou par une appartenance familiale commune, ou faut-il autant que faire se peut envisager chaque château individuellement, notamment dans la présentation qui peut en être faite.


(Septembre-octobre 2003)




Il faut appeler un chât(eau) un chât(eau)...

  Nombre de châteaux alsaciens sont crédités non pas d'une dénomination unique, mais possède deux voir trois noms différents, ou une orthographe sujette aux variations...
Dès lors, quel nom et quelle orthographe de château créditer ?
N'oublions pas qu'à l'époque de l'édification des châteaux médiévaux d'Alsace, cette dernière faisait partie de l'empire germanique et que le nom des châteaux, le plus souvent lié à la famille propriétaire, était lui-même germanique. Le nom françisé de "Ribeaupierre" à partir du nom "Rappolstein" est une illustration de cette dualité linguistique.
  D'ailleurs, Le problème de la dénomination des châteaux de Ribeauvillé fournit à lui seul un exemple révélateur de ce type de problématique:
Doit-on dire Haut-Ribeaupierre ou Altenkastel ? (ou Hoh Rappolstein ?)
Grand-Ribeaupierre ou Saint Ulrich ?
Petit-Ribeaupierre ou Guirsberg, ou encore Girsberg ?

D'ailleurs à ce même titre, faut-il écrire Guirbaden ou Girbaden ? (orthographe française ou germanique)
Ortenbourg ou Ortenberg ?
Landsberg ou Landsperg ?
Haut-Andlau, Hohandlau, Andela ?
Waldsberg ou hagelschloss ?

la liste est longue...

(Septembre-octobre 2003)




Château "fort" et Château "faible"

  Au problème de la délimitation spatiale s'ajoute bien sûr celle de la définition que l'on donne du château fort: Quelle différence entre château et château fort ? Ou s'arrête l'édifice fortifié, ou commence le château fort...
Quelle est le "degré de militarisation" de l'architecture à partir duquel on peut considérer qu'une construction peut-être qualifiée de "château fort" , qu'est-ce qui permet de qualifier une architecture de militaire...
La surélévation du château par rapport aux bourgs et aux foyer d'habitations constitue-t-elle un critère ? (château de plaine ou château de montagne), etc...

(Septembre-octobre 2003)




les châteaux disparus

  De certains châteaux forts d'Alsace, il ne reste quasiment plus rien, sinon quelques signes et témoins invisibles au non-initié qui se promène innocemment sur les décombre de tel majestueux édifice disparu.
Il en est par exemple ainsi du château du Crax, ancien voisin du Haut-Andlau au dessus du village de Mittelbergheim, dont l'histoire semble-t-il débute et finit au seul XIIIème siècle, et dont il ne reste quasiment plus rien sinon un vestige de fossé, un rocher de grès en hauteur, et quelques indices furtifs...
On doit à Jean-Michel Rudrauf des études menées sur de tels châteaux disparus ou oubliés (cf publications du Centre de Recherches Archéologique Médiévales de Saverne (CRAMS))

(Septembre-octobre 2003)




Maître corbeau sur sa courtine perché...

  Que peut apporter la connaissance rigoureuse de la dénomination des différents éléments d'un château ?
Est-ce un vice de s'adonner à l'étude minutieuse du jargon architectural et castellologique ou est-ce un passage obligé pour qui veut comprendre plus avant les tenants et les aboutissants de l'érection et du fonctionnement d'un château fort ?
Décrire un château, c'est chercher à le comprendre, à être capable de faire la part entre ce qui dans l'architecture est dicté par des considérations militaires, fonctionnelles, ou purement esthétique, c'est essayer de voir ce qui est commun à plusieurs monuments d'une même aire géographique pour en dégager des principes généraux de construction, c'est permettre la datation d'une construction par analogie avec d'autres constructions, etc...

  Dépasser le cadre de la stricte contemplation esthétique pour s'intéresser plus avant dans la technique et la science des construction castrales n'est nullement incompatible avec la poésie, la fantaisie et l'approche sentimentale, mais permet de s'ouvrir à une dimension plus "scientifique" dont il serait regrettable de faire l'économie, pour peu qu'elle ne soit pas de nature à occulter la sensibilité.
Faire se concilier harmonieusement l'art et la science n'est-il finalement pas une des gageures de l'architecture ?

(Septembre-octobre 2003)




L'habit de fait pas le (patri)moine

  Faut-il faire des photos, encore des photos, le plus de photos possible, pour garder le témoignage le plus riche possible avant que "tout ne s'écroule" irréversiblement ?...

  Si l'on peut - d'un point de vue scientifique - considérer toute activité humaine de construction, de classification, d'inventaire comme une "lutte désepérée et vaine contre l'accroissement de l'entropie" (en thermodynamique, "quantité de désordre" d'un système, laquelle ne peut que croître si le système est isolé), cela est particulièrement vrai en ce qui concerne l'entretien et la préservation des châteaux, lesquels sont plus que tout autre chose sujets à se diriger vers le chaos, la perte d'information, la dilution dans le "chaos luxuriant de la nature"...

  La ruine, la dégradation d'un château nous évoque plus que notre propre vieillissement ou notre finitude, il suggère la tendance universelle à la perte, à la fuite inexorable du temps.
Nous sommes les dépositaires de ce patrimoine, les héritiers de cette mémoire vivante qu'est la pierre, et la responsabilité qui nous en incombe nous interpelle et nous appelle dans les méandres d'une problématique qui dépasse de loin le cadre des ruines castrales puisqu'il s'agit du vaste problème du patrimoine (à suivre, le sujet est vaste...)

(Septembre-octobre-novembre 2003)


  Evocation poétique du Haut-Andlau ?
Cette photo vous évoque-t-elle quelque chose ?






Questions en vrac:

  • N'est-on pas sujet à verser inopinément dans une forme de "cartésianisme castral": où l'on sépararerait "l'âme" et le "corps" de la ruine en ne considérant que l'une ou l'autre des réalités (historique, scientifique, esthétique et poétique d'une part, matérielle d'autre part) que recouvre une ruine ?



  • Quelle légitimité pour le partie de la "préservation du mystère": exemple des arts, de la poésie, de la musique, où s'attacher à tout décortiquer, analyser, ne va pas nécessairement dans le sens d'un profit accru en terme de plaisir esthétique...



  • Quelle destination pour les ruines ? (autre que la poubelle) Que proposer d'en faire ,s'il faut impérativement en faire quelque chose pour éviter leur disparition ?



  • Doit-on mettre un toit sur les ruines ? Est-ce une nécessité vitale pour les prémunir des ravages des intempéries et de l'humidité ?



  • Peut-on concevoir une utilisation économique de la ruine sans en faire un simple outil de consommation ?



  • Que doit-on s'attabler à sauver: le château lui-même ou sa ruine ?



  • Peut-on autoriser le libre accès d'une ruine au public ou faut-il l'interdire à cause du danger qu'elle représente et des risques de dégradation qu'il est susceptible de provoquer ?



  • Dans quelle mesure est-il possible de faire d'une ruine un outil pédagogique ?



  • Quelle signalisation pour la ruine ? Quelles sont les attentes des visiteurs ?



  • Doit-on rendre une ruine "attractive" aux yeux du public, ou doit-on se réjouir en initié que le plus petit nombre possible de gens s'y rendent et ne la dégrade un peu plus?





D'autres idées et réflexions sont en chantier... à suivre !


(Septembre-octobre-novembre 2003)


Haut-Andlau vu du Zimmerberg au dessus de Barr






Notes diverses:

  La plupart des gens sont bien plus préocuppés par le choix du modèle de leur prochain téléphone portable que par l'éventualité de la disparition implacable et définitive de telle ou telle ruine qui n'est en définitive qu'un artefact sans intérêt, un témoin quasi muet d'un passé dont ils n'ont cure, une scorie qui subsiste là contre la marche de la nature et l'évolution de la société...

1ère priorité : éviter que la ruine ne tombe par terre, lutter contre sa disparition pure et simple, contre le retour implacable de la pierre à la terre.1er stade: fouilles, sécurisation

2ème priorité: permettre à quiconque le désire de profiter de la ruine, considération prise de sa sensibilité et de son goût, qu'il soit simple promeneur, poète, historien, architecte, amoureux de la nature...

action nécessite: volonté, bras, réflexion et moyens financiers

Avantages et inconvénients du tourisme

nécessité de rendre compte de la nature des actions et travaux menés sur la ruine, d'expliquer l'utilisation des fonds qui y sont alloués





Ce qu'est et représente une ruine castrale:
  • témoin historique
  • affirmation de l'identité locale (authenticité, gastronomie, viticulture)
  • Lieu d'évocation poétique et imaginaire




Georges Bischoff, professeur d'histoire médiévale à l'université Marc Bloch de Strasbourg:
"Les ruines sont fossilisées, biodégradables..."
" Elles sont un "Service public de l'imaginaire" "